ANA SKY - Je veux toucher les étoiles

Vous voulez vraiment connaitre mon histoire ? Vous êtes sûr ? Mais elle n’est vraiment pas très intéressante hein. Bon. Puisque vous y tenez, je m’en vais donc vous la narrer!

Je vois le jour il y a 22 ans de cela ici même, à Melbourne. J’ai un frère, Keenan, plus âgé de 5 ans et qui attendait ma naissance avec une impatience folle. Cela faisait des mois que maman lui rabattait les oreilles avec l’arrivée de sa future petite sœur dont il devrait prendre soin comme de la prunelle de ses yeux et le petit garçon qu’il est alors a grande hâte de jouer son rôle de grand frère. Je suis donc aimée et choyée plus que de raison. Certain diront que j’étais pourrie gâtée…ils ont sans doute raison. Mais qu’importe. Je suis la plus heureuse des petites filles. Papa, malgré son travail prenant – il est auto entrepreneur à l’époque – trouve toujours du temps pour Keep et moi. Je suis une vraie petite fifille à son papa. Je m’entends relativement bien avec maman aussi. Pourquoi relativement ? Eh bien parce que, un peu agacée par le fait que les deux hommes de la maison me traitent comme une princesse, elle craint de me voir me transformer en petite peste sans valeurs, et est parfois un peu dure avec moi. Ses craintes, bien que légitimes, sont totalement infondées, pour la simple et bonne raison que Keenan veille au grain : il me surprotège, certes, mais il sait très bien me poser des limites ou me remettre à ma place quand je vais trop loin !

Les années passent sans encombres, et mon entourage se rends rapidement compte que l’école, ou en tout cas le système scolaire classique, n’est pas vraiment mon truc, non pas que je ne m’en sorte pas ou que je sois stupide. Non, c'est tout autre chose : je suis souvent dans la lune, dans ma bulle en train de griffonner sur tous mes cahiers et ce, depuis le jour où papa m’a offert cet appareil photo argentique, qui ne me quitte plus depuis. Je tombe amoureuse des images, de toutes les images : les dessins, les photos, les films, les gravures…bref ! Quand je ne suis pas dans ma chambre noire en train de me délecter de mes photos, je suis dans une pièce en train de gribouiller des visages ou des paysages sur un de mes carnets. Mes parents comprennent que les études universitaires classiques ne seront pas au programme pour moi et acceptent de m’inscrire dans une école d’art à la sortie du lycée.

Keenan et moi sommes plus proches que jamais. Mon frère est mon meilleur ami, mon garde du cœur, mon bourreau personnel, mon confident…bref ! La personne la plus importante dans ma vie. En grandissant et en côtoyant mon frère, j’ai découvert le plaisir de m’affirmer et de dire pleinement ce que je pense : cette vilaine habitude ne me quittera plus ! Keep dit souvent de moi que je suis une petite effrontée…je ne suis pas d’accord ! J’ai des choses à dire et je les dis, tout simplement, que ça plaise ou non. Malgré cette tendance générale, mon frère est la seule personne capable de me forcer à me taire. Au-delà de l’amour inconditionnel que j’ai pour lui, je lui porte un respect sans bornes et s’il estime que je vais trop loin et que je devrais m’arrêter, je le fais et ce, même si ça me rend dingue.

De son côté, la petite entreprise de papa à considérablement grandie. Il est aujourd’hui à la tête d’une quinzaine d’établissements dans tout le pays et ce, grâce aux investissements d’un homme qui croyait en son projet : Donald Stone. Au fil des années, Donald devient un ami proche de notre famille je me lie d’amitié avec Dustin, le fils ainé des Stone. Rapidement, l’amitié laisse place à l’amour et je me laisse séduire sans luter. Il est beau, très beau. Il est sûr de lui, rassurant et d’un charisme fou…tout ce qu’il faut pour faire craquer une ado comme moi. Notre petit couple est la concrétisation de la fusion de nos deux familles, ce qui rend les deux papas plus qu’heureux. Dustin est mon premier amour et c'est donc tout naturellement que  j’accepte sa demande en mariage il y a un an et demi de cela.

Le conte de fées continue et Dustin me propose de m’installer avec lui, la suite logique des choses apparemment. J’aurais bien aimé attendre jusqu’au mariage avant de passer à cette étape de notre vie à deux, mais j’ai toujours eut beaucoup de mal à lui dire non. Bien que réticent à l’idée de voir sa petite princesse partir de la maison si tôt, papa Hodgkins accepte cependant de me laisser partir, à une seule condition : que Keep s’installe avec nous jusqu’au mariage, histoire de garder un œil sur moi. Il accepte sans se faire prier, pour la simple et bonne raison qu’il n’apprécie pas vraiment le jeune fiancé : il le trouve arrogant, suffisant, imbu de lui-même et un peut trop intéressé. Il pense qu’il n’est avec moi que pour mon physique, que je suis un trophée supplémentaire pour lui, mais qu’il me laissera à la moindre occasion…je n’y crois pas. Il est tendre, attentionné, il me couvre de cadeau, s’inquiète toujours de mon bien être…je suis sûre que je serais la plus heureuse des femmes avec lui !

Nous prenons donc un appartement tous les trois et commence une bien étrange colocation. Dustin et moi nous rapprochons toujours un peu plus, tandis que Keep se trouve une petite amie, que bien évidemment, je n’apprécie pas beaucoup – comme la plupart de ses copines…aucune de ces filles n’est assez bien pour lui, mais ça c'est une autre histoire. Rapidement, il commence à osciller entre son appartement et notre colocation, laissant un peu plus d’intimité au petit couple que nous sommes. Maintenant que Keep est bien moins présent, Dustin commence petit à petit à changer : il devient jaloux, très jaloux…trop jaloux. Il ne supporte pas que je sorte apprêtée. Si, au début, cette jalousie avait quelque chose de flatteur, elle devient rapidement handicapante. Il commence à contrôler la moindre de mes tenues, surveille mon téléphone, et pique des crises à chaque fois que j’ai le malheur de parler à un homme. Il n’est pas violent non…juste agressif. Bien sûr, quand Keenan est à la maison, il se contrôle. De plus, sa consommation d’alcool a beaucoup augmenté : je découvre un nouveau Dustin qui m’inquiète un peu.

Naïvement, je pense qu’il exprime simplement une insécurité cachée depuis le début de notre relation et que tout s’arrangera une fois que nous serons mariés…il saura que je suis à lui et à lui seul. Cette certitude devrait le calmer. Alors je m’accommode, modifie ma garde robe pour ne pas m’attirer les foudres de mon partenaire et attend patiemment mon mariage. Mais un soir, alors que je me prépare à sortir avec des amies, j’enfile une petite robe noire tout à fait raisonnable,  mes talons et, alors que je m’apprête à passer la porte, une voix avinée retentit dans la pièce :

- « Tu compte aller où comme ça ? » Je me fige, docile, me tourne, essayant d’afficher un sourire tranquille, avant de lui répondre calmement
- « Je sors avec Nancy et les filles ce soir…jte l’ai dis ce matin ». Nerveuse, je passe ma main dans mes cheveux, espérant que tout cela ne prenne pas la même tournure que d’habitude
- « Et tu as l’intention de sortir comme ça ? »
- « Dustin…je suis très bien comme ça…je sors juste avec les filles… » Je m’approche de lui, lui colle un baiser rapide, tandis que l’odeur de l’alcool chatouille mes narines. Un frisson d’inquiétude parcourt mon échine, juste avant que je ne tourne les talons, prête à m’en aller. Malheureusement, je sens une main se fermer sur mon bras et la voix de Keenan retentir
- « Tu n’ira nulle part dans cette tenue »
- « Aïe ! » Je m’écris, tentant de me défaire de son emprise « Arrêtes tu me fais mal là »
- « Tu veux aller draguer en ville c'est ça ? Tu veux faire ta trainée et les allumer tous comme tu sais si bien le faire ?! » La rage que je vois dans ses yeux me glace le sang. Je ne le reconnais plus. Il me tient fermement par les deux bras à présent et m’enserre violemment.
- « Mais ça va pas ? Qu’est-ce qui t’arrive ? Arrêtes Dustin, tu me fais peur ! »
Il approche son visage du mien, et me lance, d’une voix terrifiante
- « Tu es à moi et rien qu’à moi tu m’entends…à moi !!! » avant de m’assener une gifle phénoménale.

Ce soir là, j’ai voulu le quitter, j’ai voulu partir. Je pouvais accepter les petites crises, mais les coups, c'était hors de question. Malheureusement, une seule déclaration de la bouche de mon fiancé suffit à me faire changer d’avis « Mais tu crois quoi ? Tu crois que tu peux me quitter comme ça ? Mais un seul mot à mon père et le tiens peut dire adieu a son principal financier ! ». Il me menaçait et ça marchait. Mon père avait trop travaillé pour tout perdre aujourd’hui : il me tenait.

Le lendemain bien sûr, une fois sobre et après avoir vu la marque que j’avais sur la joue, il s’est platement excusé de tout ce qui s’était passé, mais quelque chose était cassé entre nous. Je n’avais plus confiance en lui. Pire encore : j’avais peur de lui. Les semaines suivantes, les coups se multiplient en l’absence de Dustin, ainsi que les plates excuses du lendemain. Des gifles il passe aux coups de poing, toujours bien cachés afin que personne ne soit alerté par mes blessures et quand il a trop bu, il ne contrôle plus ses coups, tant et si bien que les aller retour à l’hôpital se multiplient. Aller savoir pourquoi, c'est toujours le même infirmier qui me prend en charge : Matthew Stone – Oui Stone…Quelle ironie. A chacune de mes visites, je lui invente des mensonges plus saugrenues les uns que les autres pour justifier ces nombreuses blessures, mais je crains qu’il finisse par ne plus me croire.